Le graffiti en Tunisie : analyse et étude de cas Zwewla (Partie 1)

Mercredi 23 janvier se déroule le procès de Oussama et Chahine, deux jeunes graffeurs tunisiens du groupe Zwewla arrêtés à Gabès , car interpellés en train de dessiner des graffitis sur le mur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques de Gabes.

Graffiti

Un procès controversé, qui soulève une polémique sur le graffiti en Tunisie, un sujet relevant de la liberté d’expression, politisé lui aussi dans le contexte tunisien de l’après révolution. 
Le graffiti, le respect de la loi, la liberté d’expression et ses règle et contraintes : nous vous présentons une brève analyse de Wled El Banlieue sur le sujet du graffiti et de sa censure.

Tout d’abord, un peu d’histoire ..

Le graffiti est un art

L’histoire du graffiti remonte au début des années 70. Le graffiti est apparu en Philadelphie aux Etats-Unis, puis à New York. Une nouvelle « mode » lancée par des précurseurs tel que Tracy 168 ou Taki 183.  Les réalisations se limitait alors à des tags portant les pseudos des graffeurs, associés au numéro de leur rue comme signe d’existence, pour marquer leur présence.

Depuis, le graffiti a beaucoup évolué, et il a pris plusieurs formes en passant du tag ,  au throw up ou « flop » , la fresque puis les pochoirs et les stickers.
Le graffiti a évolué, et il a suivi dans son évolution celle des sociétés urbaines, des techniques industrielles et d’impression, pour en arriver à des formes assez développées tel que le graffiti 3D et le Yarn Bombing.

Le Yarn Bombing

Graffiti 3D


Le graffiti est un art de la rue donc,  street art comme on l’appelle aussi. Il a depuis toujours été une des composantes principale de la culture urbaine et underground, et de la culture hip-hop qui a connu son top aux années 80 et 90 aux Etats-Unis, en Europe et partout dans le monde.

Bref, pour en savoir plus sur le graffiti et le street art, son histoire, ses formes , je vous renvoie à l’article de Mohand Hamladji sur le Street art , un super article complet et très bien réalisé.

Le graffiti et la loi : un combat qui a toujours existé

En Europe, les municipalités combattent le tag 

Le street art a depuis toujours été un sujet controversé. A son apparition aux Etats-Unis, puis en Europe (Allemagne, Grande Bretagne puis la France et l’Espagne) ce phénomène nouveau attirait la curiosité de la presse, des sociologues et des intellectuels, mais était aussi quantifié de vandalisme par certains, et chassé par les pouvoirs publics.


Le graffiti  a même failli disparaître tant la traque était féroce (réglementations en tout genre pour la vente de bombes/marqueurs, responsabilités des parents, amendes, travaux pour la communauté, etc.). 

Cependant cette guerre aux graffitis lui donna paradoxalement beaucoup d’importance, puis de reconnaissance en tant que forme d’art à part entière. Cela a même permis à certains artistes de laisser tomber la rue pour exposer dans leur propre galerie. 

Revenons en Tunisie


En Tunisie, le phénomène du graffiti et du Street Art en général n’a pas échappé à cette règle, et connaît aujourd’hui le même sort « logique » : répression et traque aux graffeurs. 
Après la révolution tunisienne, le graffiti (notamment le tag) a envahit les murs de toutes les villes du pays : le besoin de s’exprimer était tellement grand, chacun voulait dire son mot, et les murs était les meilleurs support pour plusieurs d’entre nous, pour faire passer son message.

Graffiti pochoir ZABA

Graffiti Zwewla
Un mur en Tunisie avec plein de tags : liberté d'expression ?

L’ampleur prise par le phénomène a entraîné avec elle deux mouvement : il y’a ceux qui considèrent le graffiti comme une forme d’art et un moyen de libre expression, et qui le prônent. D’autres au contraire y voient une forme d’altération des biens publics, un act de vandalisme à bannir, à réprimer et à sanctionner ..

Aucun des deux clans ne manquent d’arguments : chacun a son point de vue et le défend, et entre promouvoir le graffiti et le bannir, difficile de trancher sans faire de mécontents..

Graffiti is not a crime, mais ..



Le graffiti ou Street Art est un art de la rue, comme son nom l’indique. La beauté de certaines réalisations ne laisse aucun doute sur le talent artistique de ses adeptes, des graffeurs talentueux, parfois même des professionnels de l’art et de la calligraphie, et qui font du graffiti un métier. En Tunisie, il en existe des graffeurs professionnels, que nous découvrons souvent dans des manifestations culturelles et artistiques, des évènements pour jeunes, et même dans des expositions. SK-One, Meen One, Kim, Va-Jo, et j’en passe..

Faire des graffitis et des peintures murales dans la rue constitue alors pour ces artistes graffeurs un moyen de faire connaître leurs art à plus de gens, à ajouter une touche de beauté à un paysage triste tel que les murs des clôtures des chemins de fer , ou les murs d’un ancien bâtiment abandonné.


Ainsi, condamner ces artistes pour des réalisations magnifiquement effectuées serait une injustice et une absurdité. De beaux graffitis nécessitent souvent plusieurs heures de travail individuel ou collectif, un effort de création et de conception, et des ressources financières non négligeables. 

Toutefois, les débordements existent, malheureusement… Il est clair que faire du tag anarchique partout, avec parfois des insultes et des messages injurieux, des messages racistes ou incitants à la haine n’est du goût de personne.. Cela choque, nuit au paysage et dérange clairement ..

Ces actes se sont malheureusement multipliés en Tunisie après la révolution, et on voit de plus en plus souvent les murs de nos stations de métro et de chemin de fer, ceux de certains bâtiments d’administrations publiques « salis » par des écritures vandales qui n’ont rien à voir avec l’art.. Le revers de la liberté d’expression ? Oui, sans doute..



Les graffitis et tags de Zwewla , le groupe de graffeurs tunisiens, peuvent-ils être classés dans cette catégorie? Leur multiplication nuit-elle au paysage des villes? .. Faut-il les sanctionner ? ..

A suivre ..

Lire la 2ème partie ici.


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